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Considérations d’écrivains




 
Buffon

« Rien n'est plus opposé au beau naturel que la peine qu'on se donne pour exprimer des choses ordinaires ou communes d'une manière singulière ou pompeuse ; rien ne dégrade plus l'écrivain. Loin de l'admirer, on le plaint d'avoir passer tant de temps à faire de nouvelles combinaisons de syllabes, pour ne dire que ce que tout le monde dit. Ce défaut est celui des esprits cultivés mais stériles ; ils ont des mots en abondance, point d'idées ; ils travaillent donc sur les mots, et s'imaginent avoir combiné des idées, parce qu'ils ont arrangé des phrases, et avoir épuré le langage quand ils l'ont corrompu en détournant les acceptions. Ces écrivains n'ont point de style, ou, si l'on veut, ils n'en ont que l'ombre. Le style doit graver des pensées: ils ne savent que tracer des paroles. »
Discours sur le style, http://pedagogie.ac-toulouse.fr/philosophie/textes/buffondiscourssurlestyle.htm

 



Voici des extraits d'une présentation, qu’il est bon de lire en entier :




 
Guy de Maupassant

« Les mots ont une âme. La plupart des lecteurs et même des écrivains ne leur demandent qu'un sens. Il faut trouver cette âme qui apparaît au contact d'autres mots, qui éclate et éclaire certains livres d'une lumière inconnue, bien difficile à faire jaillir. Il y dans les rapprochements et combinaisons de la langue écrite par certains hommes toute l'évocation d'un monde poétique que le peuple des mondains ne sait plus apercevoir ni deviner. (...) Autant parler musique à des gens qui n'ont pas d'oreilles. (…) Flaubert fut torturé toute sa vie par la poursuite de cette insaisissable perfection. Il avait une conception du style qui lui faisait enfermer dans ce mot toutes les qualités qui fondent en même temps un penseur et un écrivain. (…) il croyait au style, c'est-à-dire à une manière unique, absolue d'exprimer une chose en toute sa couleur et son intensité. (…) Une phrase est viable, disait-il, quand elle correspond à toutes les nécessités de la respiration. Je sais qu'elle est bonne lorsqu'elle peut être lue tout haut. Les phrases mal écrites (…) ne résistent pas à cette épreuve. Elles oppressent la poitrine, gênent les battements du cœur et se trouvent ainsi hors des conditions de la vie. »
Chroniques, Chronique sur Flaubert, partie 1.

 



Flaubert déclamait systématiquement ce qu'il écrivait, dans une petite chambre qu'il appelait son « gueuloir ».
Encore ceci, dans le même article :



 
« Dans le vers, disait-il, le poète possède des règles fixes, il a la mesure, la césure, la rime, et une quantité d'indications pratiques, toute une science du métier. Dans la prose, il faut un sentiment profond du rythme, rythme fuyant, sans règles, sans certitude. Il faut des qualités innées et, aussi, une puissance de raisonnement, un sens pratique, un sens artiste infiniment plus subtil, plus aigu pour changer à tout instant le mouvement, la couleur, le son du style, suivant les choses qu'on veut dire. Quand on sait manier cette chose fluide, la prose française, quand on sait la valeur exacte des mots, et quand on sait modifier cette valeur selon la place qu'on leur donne, quand on sait attirer tout l’intérêt d'une page sur une ligne, mettre une idée en relief entre cent autres, uniquement par le choix et la position des termes qui l'expriment, quand on sait frapper avec un mot, un seul mot, posé d'une certaine façon, comme on frapperait avec une arme, quand on sait bouleverser une âme, la remplir brusquement de joie ou de peur, d'enthousiasme, de chagrin ou de colère, rien qu'en faisant passer un adjectif sous l’œil du lecteur, on est vraiment un artiste, le supérieur des artistes, un vrai prosateur. »

 



N'est-ce pas ce genre d'informations qu'il faut trouver et méditer longtemps et encore longtemps, avant de prétendre proposer nos écrits au public, à moins de le mépriser par orgueilleuse sottise ?
Lisons et relisons beaucoup de fois, par exemple, l'Art poétique d'Horace, puis, du même titre, celui de Boileau, en particulier le Chant premier, et, aussi, Of semplicity and refinement in writing de David Hume (version française ici). Lisons et relisons les correspondances instructives de ceux qui ont écrit, de toutes les époques et pays, romanciers, poètes, essayistes ; apprenons d'eux les scrupules, la modestie, la patience, l'endurance et les règles de composition. La création nécessite la sueur des méninges.