Sans parler

Sans parler
moi et la mère,
nous nous sommes embrassés,
évitant de nous regarder.
Sans parler,
je suis parti,
accompagné par mon père
sur sa vieille mobylette d’ouvrier.
Sans parler,
nous entreprîmes le long voyage
jusqu'à l'aéroport.
Sans parler,
moi et le père,
nous nous sommes enlacés,
les yeux baissés.
Puis je m’éloignai.
Je ne me rappelle pas si je me retournai,
une dernière fois pour le saluer,
le père au cœur déchiré.
Quand l'avion dans lequel je me suis fourré
a pris son envol,
j'étais seul, effaré.
Une boule me noua la gorge.
Me voici émigré.
Vaincu.
Sur le chemin
des miséreux à la recherche de pain,
et des opprimés en quête de liberté.
Je conservais dans mon cœur
le souvenir des coincés dans le malheur.
Ils ne savent pas comment se libérer de la prison
qui a l’imposture de se donner comme nom
« démocratique et populaire ».
Je conservais dans mon esprit
les courageux
restés sur place malgré leur dépit.
Ils préfèrent lutter dans le pays
au risque d’être assassinés.
Honneur à vous ! Semeurs de dignité !
Honneur à vous ! de tenir haut levé
le flambeau de la liberté.

Publié sur
Algérie Patriotique, 10 octobre 2023
Tribune Diplomatique Internationale, 7 octobre 2023